Appartement de Xander

[Xander]

À sa réponse je n'ai pas pu contrôler un petit rictus. C'est qu'il est vraiment têtu ce con. On aura au moins ça pour nous deux, j'imagine. C'est sûrement pour ça que de mon côté je restais sur ma position.

“-C'est bâclé.” 

Il n'y a même pas de points de suture. En mon for intérieur une de mes nombreuses voix me criait de m'arrêter, ne pas dire un mot de plus et le laisser tourner les talons pour partir. Je ne suis pas en danger, il n'a pas de raison de rester plus. Sauf qu'une autre voix meurt d'envie de définitivement mettre tout au clair avec Rudy. 

Je suis un idiot de première, il n'avait pas tort sur ça.

“-Assieds-toi.” déclarais-je simplement.

Pour définitivement clore le débat, je passais derrière lui pour aller jusqu'à la porte grande ouverte et la fermer un minimum. Rudy n'y est pas allé de main morte. Ça me stressait, de la voir comme ça, exposant une partie de ma vie privée -pour le peu que j'en ai... Ça me permettait de constater de plus près que le verrou avait effectivement sauté. Rien n'empêchait Rudy de partir s'il ne voulait vraiment pas rester, rien n'empêchait quiconque de rentrer si on voulait me faire du mal, aussi. Mais dès le départ, un verrou de porte n'y aurait rien changé, surtout en voyant la facilité avec laquelle le flic était entré.

[Rudy]

Rudy soupira, roulant des yeux et baissant les épaules, essayant de ne pas trop bouger pour Xander. Visiblement, il allait l'examiner et Rudy ne pouvait pas y échapper.

Bâclé, bâclé... Rudy répétait ces mots doucement, comme pour montrer un certain désaccord. Bâclé ou pas, ça fonctionnait très bien. Il avait un bon gros bleu, voilà tout.

A sa demande, Rudy observa Xander un moment, avant de céder et de trouver une chaise non loin de là où il était, sur laquelle il se laissait tomber en attendant d'en avoir finit rapidement. Ce n'était pas une si mauvaise idée, au fond. Il pouvait surveiller que Ledger n'arrive pas, et des soins en plus. Il ne quittait pas Xander des yeux, patient, qui allait refermer sa porte d'entrée. Comme il pouvait, du moins.

" - Je payerais pour les dégâts causés, je suis désolé."

[Xander] 

Au moins la porte se ferme sans se réouvrir par derrière, le seul inconvénient c'est que je ne pourrais plus la fermer à clé désormais. Je ne donnais aucune réponse lorsque Rudy s'est proposé pour payer pour les dégâts, préférant simplement hocher la tête.

“-Je reviens tout de suite.” 

Je passe devant Rudy pour m'engouffrer dans le couloir où il a failli me plaquer sévèrement au sol. Il faudra récupérer l'arme pensais-je, je n'aimais pas savoir qu'elle traine n'importe où. J'en profitais pour réfléchir à un tas de chose, à commencer par que ce n'était pas aussi grave que ça en avait l'air, pour la porte. Les rôles inversés, j'aurais réagi d'une manière similaire pour m'assurer qu'il allait bien. Il a eu de la chance de me trouver ici et pas ailleurs, tout compte fait. Ailleurs aurait sous-entendu que je n'étais pas en sécurité, et je serais devenu qu'une façon comme une autre manière d'atteindre le flic. À y réfléchir, je le suis même sans être avec lui.

Dans la salle de bain, je récupérais le plus vite possible de quoi proprement optimiser la guérison de la plaie de Rudy. Même si c'est moi qui ai insisté pour m'occuper de sa plaie, je ne comptais pas le retenir plus longtemps que nécessaire. Même si honnêtement, j'aimerais régler nos problème de façon plus correcte que dans un hangar. À lui de voir s'il veut régler ça ou non. 

Bientôt je revenais avec la trousse de secours, notamment du désinfectant, des compresses, de quoi procéder à une fermeture cutanée correcte et j'en passe. Je suis médecin, que l'on me blâme si le contenu de ma trousse de secours se réduisait au strict minimum des gens lambda. Je lançais un regard rapide à Rudy une fois de retour avec lui dans la salle à manger, posant la trousse sur la table avoisinante. Je récupérais aussi une chaise, pour m'installer face à lui et commencer à récupérer ce qu'il me sera nécessaire.

[Rudy]

Ca n'avait aucun sens. De toute manière, ce n'était pas comme si Rudy cherchait réellement à comprendre, mais dans le fond, ça ne faisait aucun sens. Il y a des semaines de ça, les deux auraient pu s'étriper dans le sable. Maintenant, Rudy avait déboulé chez lui avec la peur au ventre, et Xander allait le soigner comme s'ils se connaissaient depuis l'enfance. Rudy était entré par effraction chez lui, et aucune question n'avait été posée. Tout se passait sur ce qui ne se disait pas, il le sentait bien. Xander avait le même regard que la plupart des gens, ceux qui acceptent Rudy en se mettant loin de lui, suffisamment pour l'observer et ne pas être touché, histoire d'attraper ne serait-ce qu'un indice sur sa vie. C'était ridicule.

En attendant, il s'était affalé sur la chaise, les mains dans les poches. Il glissait toujours ses doigts autour des objets qu'il gardait, mais ce n'était plus pareil. Sauf que sa veste était inutilisable maintenant.

Il aurait pu fermé les yeux un court instant, sans trop réfléchir à ce qui l'entoure ou ce qui se passe. Juste un peu de calme, à l'extérieur comme à l'intérieur. Xander était revenu trop vite. Le flic ne le quittait pas des yeux, un peu appréhensif de ce qu'il allait faire.

" - Tu vas me faire mal."

[Xander]

Je l'ai regardé de longue secondes après sa remarque. Eh bien, quelques semaines en avant je n'aurais pas démenti. C'était ma façon malsaine de ne pas penser à ma douleur, la reporter sur les autres en sachant qu'il n'y aurait pas de vrais séquelle. Mais là je ne savais pas si je devais le prendre mal ou s'il anticipait la douleur en parlant à voix haute. Je mettais les gants, parce qu'on ne sait jamais.

“-Ça risque de piquer un peu, oui.”

Je n'allais pas mentir, le corps réagit toujours quand un élément extérieur le force à réagir. La douleur à défaut de faire souffrir est positive : ça veut dire que tout se passe bien au niveau du corps.

“-Mais je n'ai pas l'intention de te faire mal intentionnellement, Rudy.” 

Ça me peinait presque de devoir me justifier sur ça. Je n'ai pas le mérite d'être le meilleur, ni même d'être différent des autres mais je reste un médecin. Mon but premier ce n'est pas de faire mal, au contraire. Il y avait un sens plus lourd dans cette phrase que je ne voulais l'admettre, mais je préférais faire passer ça dans le fil de la discussion, plutôt que de la sortir de son contexte.

“-Ne bouge pas.” 

Dans ma main, j'avais un coton que j'ai au préalable imbibé d'un désinfectant. Je me penchais légèrement vers lui, éviter de voir s'il avait un mouvement de recul ou quoi. 

[Rudy]

Un moment, Rudy baissa les yeux. D'abord il fixai tles mains de Xander, qui s'affairaient et se préparaient à s'occuper de lui. Il se rappelait de Niffelheim, qui n'avait aucune douceur avec lui. Mais à la rigueur, le faire de ne pas avoir de pitié pour le flic ou son corps permettait de finir les soins très rapidement. Rudy ne savait pas trop ce que Xander allait pouvoir faire actuellement. Lui remettre un pansement, un peu de bétadine ? Le recoudre, peut-être. A cette pensée, Rudy s'enfonça un peu plus dans la chaise, essayant de ne pas trop y penser. Il se répétait que la douleur était un sentiment éphémère et qu'il n'allait pas mourir pour si peu, ce qui l'aidait à garder les pieds sur terre.

Après ça, sous les ordres de Xander, Rudy ne bougeait plus. Il observait ce qui se passait d'un oeil, l'autre fermé par réflexe. Rudy n'avait pas envie de se retrouver avec un produit désagréable sur la rétine. Rudy souffla du nez, légèrement amusé par la situation. Avant Niffelheim, c'était Ledger qui s'en chargeait, aussi. Rudy plongeait toujours ses mains dans ses cheveux noirs comme la nuit. Douce ironie.

[Xander]

Dans un premier temps, j'ai doucement passé le coton sur la plaie, et ce à plusieurs reprises. On voyait la chair sortir légèrement, en dessous de la peau. La délicatesse avec laquelle je m'occupais des blessures surprenait tout le temps. Là où tout le monde pense que je suis une brute de service, j'avais mes propres complexités. Le fait que malgré la rugosité de mes mains, je fais les choses avec douceur, surtout pour ça. Je ne suis pas là pour faire amplifier la douleur : mon rôle c'est de l'atténuer, et quand je peux, de la débarrasser du patient. 

C'esr drôle les histoires que le corps seul peut raconter. Enfin, drôle. Après tout je m'étais occupé des plaies de Connor en premier, c'était comme une histoire qui se complète de faire celle de Rudy par derrière. Certaines plaies se reflètent sur les deux corps, notamment l'arcade sourcillère, c'était le fait de Connor. En  revanche la différence se faisait également sur le visage : Connor a pris bien plus de coups au visage que Rudy. Quand on connait quelqu'un, on peut reconnaître même les dégâts qu'il faisait sur les corps, c'est pour ça que j'ai immédiatement reconnu le style de Connor sur le corps de Rudy, mais qu'à l'inverse, j'aurais été incapable de déterminer qui était le responsable des blessures de Connor si je n'avais pas été là.

[Rudy]

Au final, ça ne faisait pas si mal que ça. C'était comme une piqure d'abeille, qui brûlait et qui s'était répandu, et puis plus rien. Ce qui le troublait davantage, était le toucher de Xander. Entre les poignées de mains, les coups qu'il pouvait donné, les frictions entre les personnes qui passaient à côté de lui... Personne ne l'avait touché pour s'occuper de lui.

Perturbé par cette idée, Rudy enfonçait encore ses mains dans son pantalon, toujours affalé sur la chaise, en observant Xander et son propre physique. Personne n'était réellement innocent de ce genre de regards, celui qui se dépose sur chaque courbes, sur chaque traits, ses hanches, sa poitrine, ses épaules, ses jambes... Il ne saurait pas dire si c'était dommage que Xander soit attirant et qu'il rentrait parfaitement dans son type à lui, ou si c'était une bonne chose. Rudy ne se serait probablement pas laissé toucher par quelqu'un d'autre, au fond. Rudy avait l'impression d'être revenu tout droit dans son adolescence où tout ce qu'il faisait était de mater les autres, de trouver leur place et trouver la sienne.

[Xander]

L'arcade était la seule blessure visible que Rudy a, mais je me demandais s'il avait besoin d'être traité ailleurs aussi. Connor a un style de combat qui nécessite un beau jeu de jambe plutôt que de réellement se servir de ses poings. C'est pour cette raison que si blessures il y avait, elles se situeraient plus sur le bas du corps plutôt que sur la partie supérieure en réalité.

J'ai passé un dernier coup sur sa plaie, avant de poser le coton utilisé de côté. Je le jeterai en allant ranger tout ça, ça peut attendre. Maintenant, on allait passer à la partie un peu plus délicate, où même en y allant avec toute la douceur du monde je ne pourrais pas lui épargner quelques sensations désagréables. Je ne lui garantis pas de s'en sortir sans une cicatrice, mais les points de sutures peuvent aider à les éviter. J'ai manqué de grimacer à la pensée : je n'aimais pas me dire que l'une des cicatrices de Rudy était du fait de Connor.

“-Je vais te mettre des points de suture.” 

En relevant les yeux vers lui, je l'ai pris en flagrant délit. Je ne faisais pas tant que ça attention au regard des gens sur moi, parce que déjà mes lunettes faussaient la vision que j'avais d'eux. En même temps, elles sont un véritable bénéfice dans le sens où derrière ses yeux de verre on se sentirait presque inatteignable des jugements des autres. Malgré tout, venant de Rudy les regards silencieux me déstabiliseraient presque. J'ai préféré taire tout ça alors que je plongeais une de mes mains dans la trousse pour chercher l'aiguille ainsi que du fil chirurgical. Il fallait préparer deux-trois choses avant que je ne puisse commencer.

[Rudy]

Jusque là, Rudy s'était montré plutôt sage selon lui. Tenir sur une chaise pendant des heures, c'était encore quelque chose qu'il pouvait faire s'il le fallait, même si ça n'avait duré que cinq minutes jusque là. A la mention des points de sutures, qui mit un temps avant d'arriver au cerveau de Rudy, se dernier se redressa sur la chaise automatiquement, fronçant les sourcils.

" - Mais ça va se refermer tout seul, tu vas me crever un oeil."

Rudy ne voulait pas réellement remettre en question les aptitudes médicales de Xander, il remettait simplement en doute sa propre aptitude à pouvoir supporter la douleur. Le simple fait d'avoir quelque chose entrer et sortir de sa peau continuellement le dégoûtait, sans parler de la douleur, aussi proche de son visage et de parties vulnérables et exposées. Pour lui, il n'avait rien à gagner. Il n'ajouta rien de plus et se contentait de croiser les bras, en tapant du pieds. Plus il voyait Xander préparer son matériel, plus il devenait nerveux. Niffelheim l'avait suffisamment traumatisé pour toute une vie.