Counterattack [Xander x Rudy]

[Rudy]

Sa tête allait implosée. Rudy avait perdu le compte des heures passées rivé sur son écran d'ordinateur. Le flic claquait sa tête avec frustration contre sa chaise, se laissant souvent glisser à l'intérieur en sirotant avec dégoût l'énième café de la journée. Qu'avait-il avalé auparavant ? Avait-il seulement mangé quelque chose ? Il y avait peu de chance. La faim ne le tiraillait pas autant que le besoin qui le torturait actuellement.

Quand il était sur le point d'abandonner, il relisait le message qu'il avait reçu. Une information codée, qu'il était relativement difficile à déchiffrer. Elles donnaient une adresse, un nom, un objet ? Peut-être tout à la fois. C'est ce qu'en avait conclut Rudy. Tout en travaillant sur d'autres affaires à la fois, il se rendait malade plusieurs jours d'affilés, collé au premier écran qui lui facilitait un accès à internet et à toute les ressources dont il aurait besoin.

Et puis, ça lui était venu comme une illumination. Rudy laissa tomber son gobelet de café à peine finit sur le bureau, se redressant de tout son long avec de grands yeux rougit par la fatigue. Il aurait pu rester des heures à contempler sa petite trouvaille, sa merveille, l'accomplissement de deux ans de sa vie.

Rudy passa ses mains sur son visage et se leva de sa chaise, en profitant pour s'étirer. Si le café l'avait maintenu en vie jusque là, la soudaine excitation d'en finir une bonne fois pour toute lui redonnait des couleurs au visage et suffisamment d'énergie pour sortir de son bureau comme une tornade. Dans sa course, il appelait Xander. C'était un réflexe, la première personne a qui il avait pensé et la seule en qui il pouvait avoir suffisamment confiance pour lui partager ce fait. Le portable collé contre son oreille, Rudy s'écriait déjà, en passant les portes de la JLPD.

" - Je l'ai retrouvé ! Bon sang, je l'ai retrouvé ! Est-ce que je passes te chercher, tu comptes venir ? Xander ?"

[Xander]

On est souvent amenés à penser que le début d'un deuil est l'étape la plus dure : il n'en est rien. C'est les semaines qui suivent, dans le silence mortel de la réalité que ma peine se retrouve amplifiée. Pour tout remède, le travail : travailler d'arrache-pied, toujours plus de travail et ce pendant plusieurs jours, jusqu'à ce que je me rendes compte de mon comportement, et que je m'impose moi-même un arrêt travail nécessaire. Les médecins connaissent les comportements communs à un deuil, on n'en est pas moins exposé pour autant.

Je ne suis pas sorti de chez moi depuis mes congés. Par ailleurs j'ai redécouvert qu'en effet, j'avais un autre appartement que les chambres de ma clinique, avec un lit bien plus grand et confortable. En revanche il n'y a pas grand chose à faire, je suis coincé entre quatres murs, sans contact avec le peu de proche que j'ai. Connor ? Inutile d'essayer, il doit être en train de retourner la ville pour mettre la main sur le responsable. Rudy...? Il doit être en train de faire la même chose que Connor techniquement. Aucun des deux n'a besoin de moi de toute manière.

Du moins c'est ce que je pensais jusqu'à ce que j'entende la sonnerie de mon téléphone résonner à l'opposé d'où je suis. Il n'y a pas trente-six solutions : soit c'est Connor, soit c'est Rudy. De la cuisine, j'ai traversé la maison pour récupérer l'appareil vibrant entre mes doigts, à demi-penché sur la table, découvrir lequel des deux m'appelait. Je ne décrochais pas immédiatement. 

Rudy, qui ne m'a pas laissé le temps d'en placer une, une fois sur haut parleur. Sage initiative de ma part de ne pas avoir collé le téléphone à mon oreille, vu comment l'homme au bout du fil est énergétique, ce qui est rare. Ayant été pris de court, ses phrases ne firent pas immédiatement sens dans mon esprit, sauf qu'il n'y a qu'une seule raison qui expliquerait son comportement. Ça, et qu'il ait cherché à me joindre aussi.

Il l'a retrouvé. Lui. L'information a fait le tour de mon cerveau.

“-... Tu as une adresse ?”

[Rudy]

A peine sorti dehors, le froid le frappa au visage. C'était quelque chose de surprenant mais d'agréable vu la situation. Ca avait le mérite de le réveiller. Rudy prit une grande inspiration, changeant son téléphone d'oreille, sans quitter la conversation.

" - Je te l'enverrai par sms c'est plus pratique. Tu veux que je passe te chercher ou tu me rejoins là-bas ?"

Xander n'avait jamais préciser s'il venait venir ou non. Rudy essayait de ne pas trop y penser, même si c'était la moindre des choses que de prendre sa décision en compte plutôt que de l'attirer encore une fois dans un nid à problème. La dernière fois ça ne les avait pas réussi. Malgré tout Rudy ne pouvait se fier à personne et tant que Xander donnait un tant soit peu des signes de vie Rudy allait avoir du mal à le lâcher.

De plus, ils allaient voir Ledger, pas n'importe qui. Rudy ne le sous-estimait pas une seconde, Ledger était le plus rapide et bien meilleur tireur, le flic se ferait chasser sur place. Il misait tout sur leur passé commun pour lui laisser un peu de temps et aviser sur le moment. Ledger ne pouvait pas s'empêcher de parler.

[Xander]

Sur l'instant, ça ne m'est même pas venu à l'esprit de demander comment il avait fait son compte pour remonter sa trace. Faire partir de la police avait ses bons points, dont l'accès à pas mal d'informations. Sauf que des fois, ça ne suffit pas. Visiblement, pour cette histoire ça n'a jamais suffit jusque là, alors qu'est-ce qui a changé ?

Le téléphone dans la paume de ma main, je le rapprochais légèrement lorsqu'il me fallait répondre, en même temps j'avais une meilleure liberté de mouvement quand il s'agissait de rassembler mes affaires. 

“-Envoie-moi l'adresse, je te rejoins là-bas.” 

Faut croire que j'en suis. Dans un sens ma présence n'était pas plus utile à Rudy que si je décidais de ne pas le rejoindre, ça ne l'empêchera pas d'y aller. Sauf qu'il avait décidé de m'appeler malgré tout, je ne vais certainement pas refuser. Je lui ai dit, que j'allais l'aider. Mais peut-être pas de la manière qu'il aurait voulu que je l'aide. L'avenir nous le dira.

Pas longtemps après ma dernière remarque, j'ai mis fin à notre appel pour me préparer de façon plus convenable. Le temps est un luxe que peu de gens ont, Rudy n'en fait pas parti. Peut-être que son information est valide pour l'instant, mais qu'en sera-t-il dans une heure ? Je ne peux pas me permettre de perdre du temps inutilement. J'attrape la première paire de chaussures à portée de main, le premier manteau sur lequel je tombe. Cinq minutes plus tard, je suis sur le départ.

[Rudy]

Il n'avait pas besoin de plus de réponse. Rudy termina l'appel instantanément, copiant l'adresse qu'il avait noté au préalable à Xander. Il espérait le voir là-bas, même si ça ne le choquerait pas qu'il se dégonfle à la dernière minute. Qu'est-ce qu'ils allaient bien pouvoir faire, pouvoir dire ? Comme si Ledger allait se laisser attraper impunément. N'était-ce pas lui qui lui avait envoyé ce drôle de message ? Lorsque l'on envoie une adresse, on exige de notre interlocuteur qu'il s'y rende et c'était exactement ce que Rudy s'apprêtait à faire. Au fond de lui, il y avait une infime partie qui se sentait plus en sécurité avec Ledger qu'avec n'importe qui d'autre. Car pour que ce jeu du chat et de la souris continu, Rudy ne pouvait pas mourir.

Il grimpa sur sa moto, casque sur la tête. IL ne tarda pas à démarrer et à filer à toute vitesse à travers la ville, jusqu'à un étrange hangar en périphérie. L'endroit n'avait pas l'air abandonné. Mais il ne donnait pas non plus des signes de la présence de Ledger. Ruxy examinait les lieux des yeux, sans bouger de sa moto à l'arrêt. C'était dans un endroit similaire que toute sa vie avait vrillé, et Ledger l'y emmenait.

[Xander]

Dans la voiture, mes pensée allaient à cent à l'heure. Personne ne serait capable de prédire l'issue de cette rencontre, dans mon esprit elle ne faisait pas plus sens que ce qui amènerait toute personne saine d'esprit à vendre son enfant en échange d'argent. Toute cette histoire semble irréelle, mais allez essayer de comprendre le fonctionnement de l'esprit humain dans ses recoins les plus sombres. De nombreuses fois c'est ce que j'essaie de faire, et ça ne fait que me rendre malade.

Je m'arrête là où le GPS de la voiture m'a conduit, ce qui n'est pas un outil dont je me sers habituellement mais pour des coordonnées que je ne connais pas c'est bien utile. L'endroit ne paraît pas abandonné - quoique bien isolé, et ce serait de bonne mesure d'envisager la possibilité d'un piège en bonne et due forme. En réalité je ne sais pas quoi attendre de cette sortie, mais on verra de nos propres yeux hein ? De la voiture, je reconnais la moto de Rudy. Eh bien, ne le faisons pas attendre dans ce cas. Je sors de la voiture, la referme derrière moi avant de me mettre en route pour rejoindre Rudy.

[Rudy]

De loin, il pouvait entendre le moteur d'une voiture qui se rapprochait. Rudy mit un peu de temps avant de se tourner vers celui qui approchait, observant Xander après qu'il ait fermé la porte de son véhicule. Il était venu, donc.

Rudy attendu qu'il vienne à ses côtés, avant de se mettre à réfléchir à ce qu'il fallait faire, fallait dire. Il mourrait d'envie de rentrer à l'intérieur, comme de partir au loin. Tout comme pour Rudy, pour qu'il continu à jouer avec Ledger, il ne pouvait pas l'embarquer ou le tuer. D'un autre côté, il fallait mettre un terme à toute cette situation et le faire payer pour tout ce qu'il avait fait, et ce point là avait bien plus de poids que son attachement émotionnel vis-à-vis du criminel.

" - J'ai un gilet pare-balle dans le compartiment de ma moto. Il devrait t'aller, tu as... Tu as un peu la même taille que moi. Je ne sais pas si ça changera quelque chose, c'est un bon tireur. Mais c'est mieux que rien."

Lui-même ne mettait pas de gilet. Il avait une sorte de petit charme qui le protégeait, même si ce n'était pas rationnel Rudy avait un petit côté superstitieux. En tout cas, si Ledger avait envie de tuer les deux intrus, personne ne serait à l'abri, gilet, collier ou pas. Rudy n'avait peut-être pas envie de faire croire à Xander qu'il allait le guider dans la gueule du loup sans inquiétude aucune.

Il étudiait longuement Xander, essayait de trouver n'importe quel indice qui trahirait ses émotions. Derrière ses lunettes, le scientifique semblait si stoïc. Délicatement, le flic glissa ses mains dans ses mèches pour les balayer de la cicatrice à son oreille.

" - Regarde. Ce n'est pas très joli à voir, mais voilà ce qu'il peut faire, et ce n'est rien, ça. Tu n'es pas obligé de venir à l'intérieur si tu ne veux pas, c'est déjà bien que tu sois venu ici. C'est suffisamment dangereux."

[Xander]

Arrivé à hauteur de Rudy, j'avais un meilleur ensemble sur l'endroit où on se situait. Le choix du lieu ne sort pas autant de l'ordinaire qu'on ne pourrait le croire, mais il est vrai que d'un point de vue stratégique Rudy comme moi sommes en désavantage. De toute façon, il est plus qu'évident qu'il ne ressortira pas de bonnes choses de cette confrontation, cela ne veut pas dire qu'on ne doit pas faire de notre mieux pour minimiser les dégâts.

Comme pour ne pas perdre le fil des indications de Rudy, mes yeux se glissèrent derrière lui, là où sa moto se tenait droite.

“-T'es venu préparé.”

 Et moi donc. Allez savoir à quoi ça va me servir mais j'ai pris mon arme. Elle dort, là, collée contre ma hanche, mon manteau la couvre du froid. Je ne suis pas le meilleur des tireurs, pour ainsi dire -ce qui est ironique quand on sait que j'ai grandi dans un gang qui se spécialise dans le domaine. Je me débrouille bien mieux dans les combats rapprochés, ou encore l'usage d'armes blanches. Mais qui sait de quoi on aura besoin une fois à l'intérieur ? Tout porte à croire qu'on ne peut que ressortir perdant d'une rencontre comme celle-ci.

Par la suite Rudy m'a montré ne serait-ce qu'un semblant de ce qu'il a enduré pendant sa vendetta personnelle : une cicatrice physique qui fait aisément écho à toutes les cicatrices émotionnelles qui ont suivis. Là, il était difficile de prétendre être insensible à un tel spectacle. Je grimaçais discrètement face à la trace indélébile marquée sur sa peau, là où son oreille n'était plus. Ce n'est pas tant l'esthétisme de la chose qui me faisait réagir -une blessure n'est jamais faite pour être belle, que tout ce qu'elle impliquait.

“-Je ne suis pas venu ici pour te laisser livré à toi-même une fois sur place.”

Et c'était non discutable. Si c'était pour le lâcher au dernier moment, j'aurais mieux fait de ne pas venir. De son côté, si Rudy pensait sincèrement ce qu'il disait, il aurait mieux fait de ne pas m'appeler du tout. Plutôt que de me mettre sur la touche une fois le moment venu. Il était trop tard pour commencer à regretter nos décisions.

[Rudy]

Préparé était un bien grand mot. Rudy haussa les épaules, se pinçant les lèvres. C'était un vieu gilet qu'il avait gardé depuis des années et qu'il n'avait jamais réellement utilisé. Probablement que, tout comme sa veste, celui qu'il gardait n'était plus manufacturé.

Seul ou pas, ça n'aura pas empêché Rudy de rentrer à l'intérieur et de voir ce qu'il en coûte. Xander était là malgré tout, malgré ce qui était arrivé à sa soeur, et les avertissements qu'il avait reçu. C'était réconfortant. Rudy esquissa un petit sourire satisfait, quelque peu enfantin.

Rudy descendit de sa moto et se dirigeait vers le hangar. Si cette histoire avait une fin, mieux valait que ce soit maintenant. Il n'était pas même sûr de pouvoir protéger Xander, malgré tout il était venu avec lui.

" - Suis moi. Ca sert à rien de passer par derrière de toute manière."

(DÉBUT DU ANGST)

[Xander]

Au moins, les choses sont claires maintenant. En même temps que je suivais Rudy, je me mis à réfléchir à ce qu'il pourrait bien se passer une fois sur place. Du moins je ne voulais pas mourir, mais j'y étais préparé. C'est difficile d'imaginer ressortir de cette histoire aussi blanc qu'on en est rentrés, aussi... Mouais, aussi vivant qu'on y est entrés. En profondeur, je me disais que j'allais peut-être mourir pour une vendetta dont je n'ai pas tout compris, en laissant Connor, Hamish, tout le monde derrière. Je peux y réfléchir aussi profondément que j'en ai envie, je ne comptais pas me défiler maintenant que j'étais là.

Rudy et moi on a marché sur quelques mètres sans aucun bruit, sans rien d'autres que le bruit de nos pas qui s'appuyaient sur le sol pour avancer un peu plus à chaque fois. Et c'est tout ce qu'il aurait dû y avoir, le silence morbide et intransigeant. Mais ahaha, au début j'ai cru que je me faisais des films. Le fait de penser à Connor, à tout le monde me faisait entendre le rugissement de leurs motos dans ma tête. Sauf qu'à un moment, le son que je pensais entendre et la fanfare qui avait véritablement lieu ne se distinguait plus. Le son s'amplifiait comme les cris de guerriers prêt à s'emparer du champ de bataille. Je me suis figé sur place, pour être persuadé de ce que j'entendais. 

“-Rudy, attends.”

En me tournant, une ligne d'horizon devenu noire. Plusieurs motos, des fourgons qui suivaient à l'arrière. C'est une formation que j'ai vu trop souvent pour ne pas la reconnaître une fois de plus. Je froncais les sourcils, sous la surprise et l'incompréhension. Si, je comprenais, je le connaissais surtout. C'est idiot de ma part d'avoir pensé que Connor n'avait pas ses propres ressources pour parvenir à ses fins.