Places to go, people to see [Rudy x Xander]

[Rudy]

Les mains dans le dos, Rudy affichait un petit sourire satisfait. Oui, bon à ce jeu, c'est le moins qu'on puisse dire. Disons juste que son cas avait été le pain des médias pendant plusieurs mois, alors que tous leurs petits secrets restaient bien gardés quelque part dans sa tête. Quand Rudy ne voulait pas user de la violence, ce qui peut arriver oui, c'était sur ces petites ficelles qu'il tirait. Il n'avait aucun remord à jeter ses collègues en pâtures aux loups, tout comme ils lui avaient tous tourné le dos.

" - Viens avec moi, je vais te montrer."

Oh, ils pouvaient rester là au milieu de la pièce, ou prendre un peu de hauteur. De chaque côté du gigantesque hall il y avait deux escaliers, chacun menant à une espèce de second étage, comme un balcon au-dessus du secrétaire en contrebas. De là, ils pouvaient observer toutes les autres personnes. Certes, Rudy s'exposait aussi aux regards des autres. Mais tant qu'ils n'étaient que ça, des regards indiscrets, et qu'ils ne se posaient pas sur Xander, ça ne le dérangeait pas plus que ça. Après tout, c'était lui qui ouvrait leur boites de Pandore à sa fouine.

" - Si je te disais tout, on en finirai pas. Trouve une tête qui te plait et je t'expliquerai. Ils ont tous des choses à cacher, Xander. Ils ont les mains les plus sales de Japca Lake. La plupart agissent du côté du bien pour bénéficier d'une protection. Après tout, je travaille encore à la JLPD alors que je suis censé avoir... tué ma brigade. Imagine ceux qui l'ont vraiment fait. Cette salle sent l'argent et le sang."

[Xander] 

Bien sûr je l'ai suivi sans broncher, ce qu'il proposera sera toujours plus drôle que la raison pour laquelle on est ici en premier lieu, sans compter que de nous deux il est incontestablement celui qui connait le mieux les locaux. Et puis je n'ai rien à faire avec les autres, si ce n'est pas pour Rudy je ne serais pas ici. 

On avait une vue d'ensemble globale sur les autres d'ici.Les explications de Rudy se calquaient sur les visages, les rires faux et les poignées de mains douteuses. Je n'ai jamais vu une image aussi parlante de ce qui pose problème à Japca Lake. Vu comment Rudy en parle, quelque chose me dit qu'il serait capable d'anéantir la carrière d'une bonne partie des personnes présentes si l'envie lui prenait. Oh, qu'il ne montre pas ses cartes tout de suite est une belle forme d'intelligence ceci dit, mais j'aime à croire qu'il ne ferait juste pas ça inutilement. 

Maintenant qu'il me dit de choisir n'importe qui sur lequel jeter mon dévolu, la notion d'information comme meilleure source de pouvoir fait plus sens à mon esprit. J'analysais du regard, trouver lequel serait mon Charlie une première fois. Des couples, des hommes plus discrets, des femmes fières et insoumises... Ce qui captura mon attention fut un rire, très distinct, qui appartenait à un homme qui aurait la cinquantaine je dirais au premier coup d'oeil. Aussi, il me paraissait assez tactile et... Social ? C'est difficile de croire que quelqu'un comme lui ait quelque chose à se reprocher. Et il avait un noeud papillon. Doux Jésus.

"- Parle-moi de M. Noeud Papillon."

[Rudy]

Même si Rudy dévoilait tout sous les yeux de Xander, il fallait se rappeler qu'il n'était pas différent d'eux. Certes, Rudy n'avait pas appuyé sur la gâchette là où un autre l'aurait fait, mais certains de ses actes restaient pour le moins douteux. Lui-même abusait des règles. Mais Xander se prêtait au jeu plutôt innocemment. Rudy l'avait conduit tout droit dans un énorme piège, en tout cas il le ressentait comme ça. Par réflexe, il se plaçait un peu plus proche de lui, les bras croisés sur la rambarde alors qu'il observait l'homme sur lequel Xander avait jeté son dévolu.

" - Hm, lui ?"

Pendant un instant, Rudy se mit à réfléchir. Il n'était pas très bon pour se rappeler des visages, heureusement qu'il les voyait régulièrement. Certains étaient hors de portée, certains ne bossaient même pas dans la même aile que lui.

" - Un vrai saint. Ne fume pas, ne se drogue pas, ne boit pas. Il a tabassé un homme une fois, dans les bas quartier. La presse n'a jamais saisi l'affaire, et personne n'a porté plainte."

La fois où il avait regardé Connor, alors qu'il le tenait en joue, serait probablement la chose qui se rapproche le plus du regard de Rudy actuellement. Il mordait sa langue violemment, pour taire tous les détails qu'il mourait d'envie d'articuler. Oui, tout autant de secret qu'il aimerait exposer. Ce n'était ni le bon moment, ni la bonne personne pour les dire. Mieux valait préserver Xander de certaines petites choses, disons.

[Xander]

Je venais confirmer en hochant la tête, pensif. Moi aussi, j'avais mon lot de secrets qui ne sont pas les miens, et qui pourrait mettre tant d'hommes dans des situations embarrassantes, et ça, c'est parce que tout le temps me prend tout le temps pour un psy. En même temps, je ne leur donne que rarement tort, à force même moi je ne m'y retrouve plus. 

Je ne répondis de rien en entendant les histoires de Rudy. Le plus triste, c'est que ça doit probablement être un des plus "correct" en ce qui concerne les bavures policière, c'est d'autant plus triste de penser la chose comme une normalité. C'est une des raisons pour lesquelles j'avais quitté le corps médical ici, je me sentais rentrer petit à petit dans ce cadre. 

Je lançais un rapide coup d'œil à Rudy, observant de nouveau les personnes présentes. Il y avait quelques visages familiers, même si ça fait déjà plusieurs années que j'ai quitté cet endroit. J'en pointais un du regard à Rudy, un homme au visage sérieux et intransigeant.

"- Lui, il était là quand je travaillais ici en tant que médecin légiste. Une fois, il a tabassé un suspect dans une salle d'interrogatoire avec un trophée."

[Rudy]

" - Avec un trophée ?"

Rudy quittait ses pensées malveillantes, tournant la tête vers Xander qu'il observait. Il se prêtait plus qu'au jeu, il ne faisait pas qu'écouter. Rudy haussait un sourcil, surpris de voir que Xander avait aussi son petit panier de mauvaises choses à distribuer. Autant de flacons de poison dilué qui pourraient répandre la peste s'ils parlaient ne serait-ce qu'un peu trop fort.

Pendant un moment, Rudy ne pouvait cacher un petit sourire satisfait sur son visage. Même entouré de monde, ils se bloquaient dans leur bulle et en oubliait le reste. C'était comme apparaître dans un rêve, ils observent mais ne sont maître de rien. Personne ne s'intéresse à eux comme eux se mettaient à tergiverser sur tout le monde.

Jusqu'à ce qu'une main se place sur l'épaule de Rudy, le forçant à se retourner un peu plus brutalement que voulu. Rudy n'aimait déjà pas qu'on le touche sans son consentement, mais il retenait toute menace qui se profilaient devant lui. Avant même qu'il n'ait eu le temps de s'en rendre compte, l'homme qu'il avait en face de lui lui faisait l'effet d'une claque. Son corps se tendait, et il se tenait droit.

" - Ah, Rudy. Je ne pensais pas que tu viendrais. Je suis content de voir que tu vas bien."

L'homme qui se tenait en face de lui devait avoir dans la quarantaine, ou plus. Son visage était strié par le temps, mais sa voix, sa posture qui domine les autres, son uniforme, ne pouvait pas prêter à confusion. Même si Rudy ne l'estimait pas plus que les autres, cela se lisait sur son visage et dans son comportement qu'il le tenait en haut respect.

" - Oui, monsieur."

" - J'espère que tu te plais dans le nouveau district que l'on t'a attribué. J'ai entendu que tu te débrouillais seul maintenant, aussi. Ca va mieux, là-haut ?"

L'homme effectuait un geste, prêt de sa tête, comme pour signifier une certaine folie chez Rudy. C'était une blague de mauvais goût, tellement kitch qu'elle rendait Rudy plus confus que blessé.

" - Oui, monsieur."

" - Formidable. Allons droit au but, bonhomme. J'entends bien ta requête pour l'équipe cynophile, tu sais. Tu as un truc avec nos amis les bêtes après tout. Entre nous, je t'aurai bien accordé la place, mais..."

L'homme se rapprochait de lui, observant les environs avec attention avant de parler.

" - Disons que les autres ne sont pas très friands de travailler avec toi. Quand tu auras réglé tes différents avec tes collègues, peut-être que j'envisagerais de revoir ton dossier."

Pas de réponse.

" - ... Ne fais pas cette tête. Si je pouvais quelque chose, tu sais que je le ferais. Je te souhaite une bonne soirée. A vous aussi."

Rudy n'avait pas même le temps de le retenir, et c'était mieux comme ça. Avant de partir, l'homme s'était penché en avant, les bras le long du corps en face de Xander. Il ne cherchait pas à savoir qui il était, et de toute façon c'était marqué sur son visage que le type était une fouine, ce genre de personne à plisser des yeux dès qu'ils essayent de réfléchir, qui basent toutes leur putain de conclusions sur des faits rationnels plutôt que l'instinct.

Non, il s'énervait. Comme un adolescent, Rudy penchait la tête en arrière en râlant, furieux de ne pas avoir réussi à retourner dans l'équipe cynophile qu'il souhaitait, et de s'être fait "subtilement" recallé en face de Xander. Il lui lançait un regard appréhensif, cherchant à savoir ce qu'il en pensait. Oh, Rudy s'était infligé ce mal être tout seul, bien avant l'incident avec Ledger. C'était une petite teigne et il n'y avait rien à faire. Le problème avec les teignes c'est qu'elles ne peuvent pas être domestiquées, visiblement. Rudy mourait juste davantage d'envie à donner un coup de pied dans la fourmilière et tout foutre en l'air. Sauf que ça ne fonctionnait pas comme ça. Il se mordait la langue en attendant.

[Xander] 

"- Je sais, m'en parle pas." 

Il y avait déjà son lot de gens pas net quand j'ai commencé à travailler à la JLPD, et le temps ne faisaient pas les choses en s'arrangeant.  Rien qu'avec l'histoire de Rudy, je n'ose même pas imaginer comment les choses sont à la JLPD maintenant.

J'allais en avoir un aperçu plus rapidement que je ne l'aurais espéré. Moi qui voulait que personne ne vienne nous déranger, se mettre sur le spot le plus voyant de la salle n'était pas la meilleure idée pour devenir invisible. Tout comme Rudy, mon attention a été retenue par cette main étrangère qui se posait si banalement sur son épaule. Je sais que c'est un contact que j'aurais peu apprécié si ça avait été moi. Mais Rudy, lui était devenu raide comme un piquet, à croire qu'il avait vu un fantôme. Rien que ça, et l'étrange prestance qui émanait du nouvel arrivant suffisait à comprendre qu'au moins pour leur grade, l'un dominait l'autre. Le reste parle de lui-même, ai-je envie de dire. 

Naturellement, il n'est pas de mon ressort d'intervenir dans l'échange des deux hommes. Ça ne me concernait en rien. Seulement, plus la conversation avançait plus certaines paroles me faisaient mentalement hurler contre ce grand inconnu, à commencer par sa remarque de très mauvais goût. Excusez-moi, j'ai dû mal interprété. Il a vraiment fait ce que je viens de voir ? S'il y a une chose qui m'insupporte, c'est qu'on ne prenne pas au sérieux des évènements traumatisants soit en les minimisant, soit en faisant de l'humour dessus. Cet homme a mis le doigt dessus. Un voile sombre s'est discrètement déposé dans mon regard, malgré tout spectateur de cette conversation déguisée en moquerie. 

La conversation se voulait interminable, entre Rudy qui restait formel et son supérieur qui jouait de ses appuis pour le faire plier. Et moi qui me retenait de donner un cours magistral sur la façon dont notre cerveau réagit à un évènement traumatique, aussi quelques notions de bases sur le trouble de stress post-traumatique, et à quel point tout leur service avait vraiment merdé avec Rudy. Ça va cinq minutes de tenir une seule personne responsable parce que ça arrange tout le monde.

Heureusement pour moi, l'homme était parti aussi vite qu'il était arrivé. Répondre n'aurait fait qu'apporter des problèmes à Rudy, plus que de me soulager moi. Okay, peut-être que cette soirée ne sera pas aussi simple que premièrement supposée. Je me suis mordu la lèvre. J'ai détesté sa blague sur la santé mentale de Rudy, comme s'il n'y était pas tous un peu pour quelque chose. D'ailleurs, je lui lançais un regard, il avait l'air dépité. Je marmonnais dans ma bouche, me retenant d'utiliser des noms d'oiseaux plus ridicules les uns que les autres.

"- C'était qui ce...Cet homme ?" me rattrapais-je sur la fin

Quel abruti, surtout.

[Rudy]

Les yeux de Xander trahissait l'espèce de rage étrange qui brillait à l'intérieur. Oh, il ne fallait pas le prendre pour lui. Ca lui passait un minimum au dessus de la tête, du moins c'est ce qu'il espérait. Rudy avait besoin de quitter le devant de la scène, là où il ne servait à rien. Il préférait retrouver le calme placide des chiens et créer un lien avec eux et former les maîtres. Le reste, la moquerie, les remarques, les regards désobligeants, c'était une autre affaire.

" - Mon patron."

Il se retenait d'ajouter que c'était une personne exécrable. Ce n'est rien, se répétait-il, ce n'est rien. Il allait s'en remettre.

" - Oublie ça, tu veux ?"

[Xander]

Son patron ? Mince mais quel con il s'est coltiné comme patron ? L'avantage de pouvoir converser avec moi-même, c'est que dans mon gigantesque château mentale, je pouvais insulter n'importe qui de façon continue, personne ne m'en tiendrait rigueur.

Et Rudy qui voulait que je fasse la sourde oreille. Muet, sourd et aveugle. Je me mordais la lèvre pour passer ma faible frustration dessus, me tournant là où Rudy ne pourrait pas me voir.

"- Comme si."

On n'est pas obligés d'en parler. Je n'ai pas compris toute leur conversation, de toute façon ça m'étonnerait qui veuille en parler. Ne pas en parler c'est une chose, mais oublier ? Oh, il peut toujours rêver. Mais soit, je pense avoir assez de self-control pour ne pas immédiatement perdre mon sang-froid. Ça ne serait pas bon pour Rudy, qui a déjà une image suffisamment ternie pour que je vienne me rajouter sur son tableau.

[Rudy]

Comme si ? Rudy ne savait pas si c'était une pointe de déception ou si c'était la colère qu'il essayait de garder de côté qui se superposait sur son visage. Qu'est-ce qu'il compte faire avec de telles informations de toute façon.

" - Laisse tomber, c'est tout."

Il secoua la tête, tournant les yeux ailleurs. Encore une fois, il préférait observer les gens en contrebas, silencieusement. Personne ne relevait la tête vers lui, tout le monde s'en fichait. Chacun était trop occupé à discuter en petit comité. Ca créait des cercles dans toute la salle.

" - Rudy !"

Avant qu'il n'ait eut le temps de se retourner, une main passait déjà à ses épaules et dans une maladresse grandiloquente venait le presser contre la rambarde. Le nouvel arrivant observant d'un oeil méprisant Xander, de haut en bas. Une fouine. Ouais, ça se lit sur son visage à celui-là. Qu'est-ce que ce type fout avec une fouine.

Cette fois, ce n'était plus son patron, mais trois hommes de la carrure de Rudy, en costume aussi, l'un avec un verre à la main. Ce n'était plus la même hiérarchie, mais ça ne laissait pas le libre droit à Rudy d'en balancer un en bas. Même si l'envie était très forte actuellement.

" - Rudy, on t'a vu te prendre le bec avec l'autre espèce de dinosaure, qu'est-ce qui t'arrive, hm ?"

Rudy était très patient à ce jeu. Ce n'était pas la première fois qu'on l'acculait dans un coin, il n'avait qu'à mordre sa langue et se tenir tranquille. Tout dans la voix de son collègue puait l'ignorance et la méchanceté gratuite. Il lui donnait l'effet d'adolescents après les cours, les deux qui regardent patiemment, et le troisième un peu plus audacieux qui se joue de lui. Il pouvait le jeter par-dessus la barrière, et il venait quand-même le serrer aux épaules comme s'ils avaient toujours été amis. En même temps, le nouvel arrivant ne pouvait s'empêcher de zieuter Xander avec curiosité.

" - Et c'est qui, lui ? Oh, alors tu l'as enfin remplacé ? Formidable."

[Xander] 

Maintenant l'envie de partir était encore plus grande, mais je me contentais de ravaler silencieusement ma salive en cherchant des yeux un serveur, la seule personne à qui je peux trouver un intérêt ce soir hors Rudy. Ce n'est pas de sa faute d'ailleurs, mais la façon dont son patron vient de tourner au dérisoire un évènement grave m'a vraiment mis sur le cul. Espèce de vieux con ignorant va. 

Rudy fut interpellé pour la seconde fois en ce début de soirée, à croire qu'il était populaire. Pour ça il doit l'être, mais il ne s'agit pas de la popularité qui attire le bon oeil. Cette fois c'était un petit groupe de trois qui ne se gênaient pas à envahir tout l'espace de Rudy, ce qui me força moi-même à légèrement me décaler. Et après on dit que les journalistes sont de véritables vautours, on oublie souvent que certains sont meilleurs à ce jeu-là que d'autre.

À la différence de tout à l'heure, les autres sont plus insistants me concernant. Pour toute réponse à leur jeu de regard provocateur, je gardais ma mine blasée dédicacée aux inconnus, notamment ceux qui cherchent à vous faire sortir de vos gonds inutilement. 

Rudy n'a pas plus envie d'être ici que moi, pire même. Mais merde, s'il subit ça tous les jours au boulot, c'est vraiment une force de la nature comme on en a jamais vu. De façon plus terre à terre, c'est inadmissible comme comportement.

La dernière remarque est restée en travers de la gorge, et je me mordais violemment l'intérieur de la joue pour éviter toute parole qui dépasserait ma pensée. J'estime être calme de nature quand on ne me pousse pas à bout, je veux dire, je suis resté devant l'assassin de ma soeur sans lever la voix. Mais lui, oh lui... Comment ose-t-il ? Tu crois que c'est du respect ça mon garçon ? 

Respire Xander, respire.

"- Je suis un ami." dis-je de façon certes peu amical